Pratiquer la voile à l’école et engager un bateau virtuel dans la Mini-Transat, c’est une aventure. Laquelle prend une dimension supplémentaire quand, comme sept classes Usep de Charente-Maritime, on rencontre les skippers sur leur bateau, juste avant qu’ils ne s’élancent depuis le port de La Rochelle.
« Avez-vous déjà traversé l’Atlantique ? Que faites-vous de vos déchets ? Et avez-vous déjà vu des baleines, des requins ? » Sanglés dans leur gilet de sauvetage, les CM1-CM2 de l’école de Germignac, petit village de Saintonge, enchaînent les questions. La semaine passée, ils s’initiaient à la voile sur plan d’eau, et ce jeudi les voici sur les pontons avec l’un des 87 aventuriers qui s’apprêtent à traverser l’Atlantique sur des voiliers de 6,50 m.
« Depuis 3 ans, je fais découvrir la voile à mes élèves, explique Karine Jauneau. Cette année, j’ai aussi engagé la classe dans la course virtuelle proposée par l’Usep et la Fédération française de voile, et dans le projet Label Bleue de l’Éducation nationale. C’est pourquoi nous sommes parrainés par l’un des marins de la Mini-Transat, Jean-René Guillou, qui naviguera avec un dessin des enfants sur sa voile. »
Et le confort ?
Mais, ce matin, c’est Antoine Perrin, un autre concurrent, qui répond aux questions préparées en classe : oui, la traversée de l’océan est une première pour lui, et ses déchets il les mettra dans un sac poubelle qu’il déchargera à l’arrivée de la première étape. Quant aux baleines il en a déjà vu, et même heurté une, sans lui faire grand mal. Des requins pas encore, mais il espère bien en avoir l’occasion…
Son bateau a été dessiné par un ami, explique aussi Antoine Perrin : c’est ce que l’on appelle « un prototype, avec un mât et des safrans en carbone, très légers », et l’alimentation électrique repose sur ces deux panneaux solaires dont les propriétés flexibles attisent la curiosité des enfants.
« Et le confort ? » La question fait sourire le marin, qui se reposera en s’allongeant entre les voiles qui encombrent sa cabine. Une cabine minuscule, comme les enfants sont invités à le constater eux-mêmes, par fournées de quatre.
Faire le point au tableau numérique
Eux vivront la course dans leur classe, sur le tableau numérique. « Nous ferons le point chaque matin et avant chaque récréation, afin de choisir le cap et d’adapter la voilure », précise l’enseignante. Contrairement à la cinquantaine de bateaux inscrits avec l’Usep sur l’application Virtual Regatta, les concurrents n’ont pas de routeur pour les aider, ni téléphone portable, ni radio, « juste une VHF qui, en cas d’urgence, permet de communiquer dans un rayon de 20 km ». Et même avec un pilote automatique pour le suppléer dans son sommeil, Antoine Perrin ne dormira que par fractions de 20 minutes. « Et pour se réveiller ? » « J’ai mon alarme ! », répond-il en la faisant entendre.
« Et vous pêchez ? » Non, même si le navigateur emporte une ligne de pêche, au cas où les plats lyophilisés et sous vide viendraient à manquer.
Puis vient la grande question : pourquoi fait-on la Mini-Transat ? « Par passion, répond le marin amateur de 33 ans. Mes parents avaient un petit voilier et, enfant, j’ai fait de la compétition sur dériveur. Là, j’ai saisi l’occasion de participer à la Mini-Transat, qui est la course en solitaire la plus accessible. » Une course où il n’y a rien à gagner, « seulement la fierté personnelle de terminer la course »…
Un fil rouge des enseignements
Puis, après lui avoir souhaité bon vent, on laisse le navigateur achever en solitaire ses derniers préparatifs, et la journée se poursuit avec différents ateliers : sensibilisation à la pollution des océans, lecture des vents, d’une boussole, initiation au modélisme naval et « matelotage ». Ce qui donne à Laura l’occasion de réciter la cruelle comptine qui aide à se souvenir de la façon de confectionner un nœud marin de huit : « On fait la tête de la poupée, on l’étrangle, on lui crève un œil et on lui tire les cheveux ! »
Mais le souvenir de l’échange du matin est encore dans toutes les têtes, et quand on demande à Taméo et ses copains s’ils se verraient un jour prendre la mer, leur « oui » est immédiat et vibrant. En attendant, c’est pour un trimestre qu’ils embarquent, car une fois la course arrivée à son terme, la voile « demeurera jusqu’en décembre un fil rouge des enseignements de français, de sciences ou de géographie » promet la maîtresse. Avec à chaque fois une petite pensée pour les navigateurs de la Mini-Transat, qui continueront de faire flotter l’air du grand large sur leurs apprentissages.